RÉSERVOIR D’IMAGINAIRE : « L’ATELIER EN PLEIN AIR » DE MONET



Chaque année de mars à novembre, l’oeuvre singulière et radicale que constituent les Jardins de Monet à Giverny nous offre un réservoir infini d’imaginaire. « C’est un peintre qui dit qu’il faut peindre ce qu’on ne voit pas », se réjouissait Jean-Luc Godard.

Les arts du jardin et de la peinture comme des mises en scène radicales

Quelle chance pour le public de pouvoir, encore aujourd’hui, découvrir ce paysage qui inspirait tant Monet, installé à Giverny, en 1883 ! Un jardin atelier où le peintre travailla autant l’art du jardin que celui de la peinture. Indissociables, les Jardins de Giverny et l’œuvre de Monet restent les empreintes indélébiles d’une œuvre résolument moderne pour son époque. Une  œuvre d’une belle radicalité qui inspira au 20ème siècle le monde de l’art jusqu’à devenir une histoire patrimoniale unique. « L’étang des nymphéas, œuvre de Land Art avant la lettre »*, selon Hugues R. Gall, membre de l’académie des Beaux-Arts et directeur de la Fondation Claude Monet.

L’artiste parlera d’ailleurs de « mise en scène » des plantes, aidée des conseils avisés du fameux jardinier George Truffaut. Il échangera avec ses amis Gustave Caillebote ou Octave Mirabeau, tous deux habiles jardiniers. Il se nourrira des expositions de plantes, de jardins botaniques et de lectures des catalogues de pépiniéristes. Il fera des expérimentations, croisera des espèces et obtiendra des nymphéas aux couleurs jamais vues.  Auparavant, il aura bataillé afin d’obtenir de la Préfecture de l’Eure la permission de détourner un bras de l’Epte, le Rû. L’enjeu ? Créer des bassins comme il l’entend… Un jardin créé ex nihilo. Une oeuvre. Des floraisons successives créées en plates-bandes et massifs de vivaces aux effets coups de pinceaux pointillistes feront écho à son art. Le jardin s’appuiera sur une structure permettant un rythme de changement des plantations de l’est à l’ouest et une répartition des couleurs nord – sud avec les couleurs froides sur le haut et les couleurs chaudes en bas. Ce qui est l’inverse de ce que font les architectes, relève le chef jardinier, Gilbert Vahé.

Jean-Luc Godard, lui-même, ne perdra aucune occasion de rapprocher sa vision de metteur en scène de celle du peintre qui, face à la difficulté de peindre un paysage qu’il ne voyait pas clairement certaines matinées, concluait, en ces mots repris par le cinéaste: « il ne faut pas peindre ce qu’on voit puisque l’on ne voit rien, il ne peut pas peindre le fait qu’on ne voie rien, parce qu’on doit peindre ce qu’on voit, donc reste la possibilité de peindre ce qu’on ne voit pas. C’est un peintre qui dit qu’il faut peindre ce qu’on ne voit pas », s’amuse le réalisateur tout aussi précurseur dans son domaine. Ses paysages « nous montrent aussi la nourriture céleste que peut trouver notre imagination », avait écrit Proust, très inspiré par l’oeuvre du peintre.

Les Jardins de Monet à Giverny, the daily couture
Les Jardins de Monet à Giverny ©thedailycouture
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Buste de Monet©G. Bouget-MTNG
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Maison de Monet à Giverny ©G. Bouget-MTNG

Un jardin restauré

Entre la mort de Monet en 1926 et le début de la restauration des jardins en 1977, il s’était passé cinquante et un ans. Gérald Van der Kemp, peintre et également reconnu à l’époque pour la restauration de Versailles via la mise en place d’un mécénat essentiellement américain, accepte le défi de restaurer Giverny. Son constat est implacable : « Dans le jardin, c’est la désolation », résumera-t-il.

Rassembler toutes les ressources possibles témoignant de ce que fut un jour les jardins, c’est l’objectif de la Fondation Claude Monet qui s’appuiera sur la mémoire de l’ancien assistant de George Truffaut, André Devilliers, fin connaisseur des coloris des plantations, sur les archives retrouvées et les souvenirs de famille, ou encore sur le témoignage de la princesse japonaise Matsukata qui avait envoyé dans sa jeunesse des plantes à Giverny. Certains cultivars disparus des catalogues des pépiniéristes furent remplacés par d’autres, proches. De l’ordre de la ressemblance, les jardins de Monet pourraient-ils néanmoins s’aventurer vers plus d’expérimentations, sur certaines parcelles ? Une réinvention qui serait un écho fidèle à l’esprit avant-gardiste  de l’artiste ?

Pour l’heure, le travail des jardiniers, lui, évolue continuellement, perceptiblement, selon les saisons et le travail au quotidien. Miracle : le visiteur ne s’en rend pas compte. Une œuvre vivante, en mouvement perpétuel, attachée avant tout à ressembler à ce qui fut un jour.  « On peut utiliser des archives, et l’on peut créer le jardin tel qu’il fut à des époques différentes, notamment sur une partie du Jardin d’Eau». Et de souligner la richesse des possibilités de réinvention du Jardin d’Eau d’après certaines toiles de Monet mais aussi ses risques : « Les gens ne comprendraient pas, il y aurait une grosse différence. Il y a l’effet de mode et l’effet de l’habitude. On essaye de ne pas aller vers les goûts personnels non plus. Même Monet a changé d’avis, nuance-t-il enfin. Il y est resté 43 ans, donc il y aurait pleins de possibilités de travailler le jardin autrement, en plus c’était un collectionneur, un amoureux du jardin et de la plante. Avec ses amis, il échangeait des plantes, il montait des collections ».

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Salon Atelier de Monet à Giverny ©thedailycouture
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Gilbert Vahé, chef jardiner, les jardins de Monet à Giverny ©thedailycouture

C’est là où Monet avait de la chance, car lui peignait l’éphémère pour le garder» Gilbert Vahé, chef jardinier de Giverny

Aujourd’hui, une grande différence réside dans le travail de plantation. A l’époque, explique le chef jardinier, les plantes étaient arrachées et replantées, tandis aujourd’hui, perdure une structure avec des vivaces, quelques arbustes par exemple.

Le problème de la fourniture ? Les jardiniers n’en souffrent pas. Car, même si des graines comme les juliennes, par exemple, ne se trouvaient plus il y a quinze ou vingt-cinq ans, elles sont réapparues des années plus tard. Et de conclure :

« Oui, le remplacement des plantes n’est pas évident surtout pour trouver la couleur précise. Mais c’est un détail, car le monde des plantes est si riche que nous arrivons à nous débrouiller quand même. Le défi, c’est le défi de la nature avec ses maladies. Nous essayons de maîtriser la nature sans que cela se voie trop. La météo nous aide. Monet a subi des inondations, des gelées, il s’est lamenté. C’est toujours pareil aujourd’hui, excepté que le jardin est si mélangé et riche en végétal que cela complique son entretien. »

La période la plus chargée est celle de la replantation des massifs, en même temps que la haute saison touristique« C’est assez complexe, et ce qui est assez étonnant, c’est que nous finissons de planter en juillet, ce que les autres ne font pas, bien sûr. Au fur et à mesure que les fleurs défleurissent, nous les remplaçons. » La période actuelle signe la fin des iris, le début des rosiers et la pleine saison des pivoines.

Une attention au jour le jour magnifie la sublime profusion des quelques milliers d’espèces végétales cultivées, plantées et chouchoutées dans les règles de l’art. 100 000 plantes en lots de petites quantités sont présentes. 90% de la production vient du domaine de Giverny. Un art du jardin fait maison qui dialogue avec la matière comme tout artisan d’art avec son matériau finalement :

« On se rend compte que c’est la nature qui nous guide », relève le chef jardinier. A certains moments calmes, je me dis que c’est quand même beau, mais c’est éphémère, ça ne va pas durer, je le sais aussi. Nous vivons avec les saisons. C’est là où Monet avait de la chance, car lui peignait l’éphémère pour le garder. »

Et de conclure : « Les années se suivent et ne se ressemblent pas ». C’est pourquoi une visite des jardins de Monet à Giverny n’offrira jamais la même expérience aux visiteurs !

 

 

 

 

Notes :

Site de la Fondation Claude Monet

Chaine YouTube de Canon :  Exclusive Interview with the Legend (Part 2) Cannes 2014

Actualité Livres sur Claude Monet :

Un jour avec Claude Monet à Giverny, de Adrien Goetz, photographies de Francis Hammond, Beaux Livres Flammarion.

Monet, nomade de la lumière, BD de Efa et Rubio

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