Diplômés font le Show



Pendant la semaine très médiatique des présentations haute couture hiver 2012-2013 marquée notamment par le tout premier défilé de Raf Simons pour la maison Dior et, comme toujours, par l’expérimentation des matériaux signée par la ligne artisanale de Martin Margiela, se déroulait aussi la présentation des collections d’étudiants fraichement diplômés des écoles de mode et de design.

Pour ces créatifs en herbe, l’été signe aussi l’aboutissement de leur formation en mode avec la remise de leur diplôme et des shows auxquels The Daily Couture a assisté pour certains d’entre eux.   Mettons donc en avant la créativité de jeunes designers de l ’École nationale supérieure des Arts Décoratifs, sans oublier les lycéens des écoles parisiennes de la mode qui, chaque année, ont droit à leur show, un moment étonnant où tous s’enthousiasment de la créativité de certaines pièces.

Défilé Mode & Sens à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs : la maîtrise du concept par les étudiants de la section design vêtement

ENSAD MODEDéfilé Mode & Sens 2012 à l’ENSAD

A l’ENSAD, on voit grand, plus loin que la planète terre !  Les étudiants, ces « personnalités prêtent à s’engager dans le futur », selon Geneviève Gallot, directrice de l ’Ecole national supérieure des Arts Décoratifs trouvèrent en les jardins de l’Observatoire de Paris — le plus grand pôle national de recherche en astronomie—, un écrin à la hauteur de l’ambition de la mythique école. Les jardins de l’Observatoire de Paris tourné vers l’étude de l’Univers offrirent un magnifique espace où dévoiler la collection des diplômés 2012 du secteur Design vêtement résolument ancré dans la recherche du concept et de l’usage du vêtement.

Et aux pièces présentées de nous surprendre par leurs formes et concept où le mot si  souvent galvaudé prend ici doublement sens. A chaque collection était associé un parfum réalisé par des parfumeurs de l’International Flavors and Fragrances,  le premier créateur et producteur d’arômes et de parfums utilisés pour créer et améliorer le goût ou l’odeur dans d’innombrables produits de consommation, d’où le nom de l’évènement « Mode et Sens ». Le sens provenait aussi du vêtement né de l’analyse de la société contemporaine et d’une solide connaissance de l’histoire du design. La promotion 2012 s’est distinguée par l’hybridation des matières très présente et modulée selon  le filtre créatif des étudiants dont the Daily Couture partage avec vous les regards de certains.

Inspirée de l’iconographie des années 50, la collection de Charles Pottier s’articule autour d’une dynamique de plis et contre-plis structurant le vêtement. Le designer habille Celle dont on parle dans le dos, le nom de sa collection dédiée à la femme excessive. Sa silhouette simple de face trompe les attentes pour mieux surprendre et révéler aux regards un dos comme s’il sortait d’un papier… cadeau ! C’est bien une idée d’homme !

Charles Pottier ensad modeCollection Celle dont on parle de Charles Pottier, ENSAD 2012

Mêler les genres féminin et masculin, les époques et les styles  en une silhouette est la proposition audacieuse et joueuse de Juliette Gouraud qui réécrit, avec sa collection Palimpseste,  les codes de la mode avec les tissus. « Des styles qui a priori s’opposent s’épousent » notamment avec le jeu des couleurs.  Le camaïeu, la palette de couleurs jouant sur un dégradé de couleur, donne d’emblée à la silhouette cette cohérence visuelle faussement simple et qui se donne à découvrir discrètement.

Juliette Gouraud ensad modeCollection Palimpseste de Juliette Gouraud, ENSAD 2012

Le hasard devient l’invité donneur de la collection de Kristina Guseva avec sa collection Flowing. Le détail est roi : liquéfié ou figé par une incrustation de silicone, il se mêle aux matières luxueuses. Il honore les imperfections, les accidents et les instabilités si chères, par ailleurs, au travail artisanal pour qui la beauté de la pièce réside aussi en la singularité née des matières travaillées artisanalement. Ici, le détail est honoré au point d’être siliconé pour durer. Impossible de ne pas le voir.

Kristina Guseva ensad modeCollection Flowing de Kristina Guseva, ENSAD 2012

Le corps idéal ? C’est la thématique explorée par Lysmina Attou interrogeant la question du pouvoir de la mode sur la représentation de la beauté féminine. Non sans rappeler la démarche conceptuelle de Rei Kawabuko pour sa collection phare du printemps 1997 où les silhouettes étaient gonflées comme des bulles de chewing-gum  bousculant, avec humour, les normes de l’image de la féminité,  les modèles de Lysimina Attou proposent, eux, des silhouettes restructurées avec une minutie chirurgicale. Les volumes anguleux, inspirés des possibilités  médicales, sont redessinés par des coques ou des membranes transparentes laissant transparaître les vraies formes de la femme. L’opération de la métamorphose du corps est affichée ! La mode est présentée ici avant tout comme le moyen naturel pour corriger sa silhouette en fonction de normes esthétiques. En témoigne historiquement le port du corset ou, aujourd’hui,  celui de talons aiguilles vertigineux dotant d’innombrables femmes –  ne maitrisant pas encore cet art de la marche – d’une affreuse silhouette vacillante où c’est finalement la douleur des pieds qui saute aux yeux!

Lysmina Attou ensad modeCollection L’Eve future de Lysmina Attou, ENSAD 2012

Défilé de mode 2012 de l’académie de Paris : la maîtrise des savoir-faire des métiers de la mode par les lycéens !

Oublions un peu la joie des étudiants nouvellement bacheliers des filières dites généralistes, ceux que l’on voit s’exclamer lors des sempiternels résultats du bac filmés à la TV chaque année et dont les médias nous rabâchent les statistiques de plus ou moins grandes réussites. Découvrons donc une autre joie, celle des lycéens fraichement diplômés de leur bac pro spécialisé dans la filière de la mode ! Paris, Capitale de la Mode, c’est bien l’un des slogans de la ville.  C’est décidé, en route pour le défilé annuel des lycées parisiens de mode, direction le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne pour, à coup sûr, un régal architectural.

Soutenu par de nombreuses maisons comme Chanel Hermès, Vuitton, la fédération de la chaussure, l’Oréal, le défilé de mode 2012 de l’académie de Paris regroupe la présentation de modèles réalisés par 200 élèves de cinq lycées professionnels de la mode et de l’académie de Paris. Leur défi : faire défiler une pièce conçue dans le cadre d’une épreuve de 120 heures pour leur baccalauréat. Chaque pièce est conçue en respectant un cahier des charges : une qualité de réalisation irréprochable, un création portable, commercialisable  et inspirée du thème de travail donné par l’inspection, cette année 2012, le thème retenu était « les Astres », d’où le nom du défilé Mod’Astrale. Les lycées participants étaient Les Lycée D’Alembert,  Lycée Elisa Lemonnier, Lycée Marie Laurencin, Lycée Octave Feuillet, Lycée Paul Poiret et Lycée Turquetil. Les sections comprenaient des élèves issues de formations diverses qui ont toutes œuvré à la conception des modèles. Etaient représentés outre les Bac pro Vêtement, les Bac pro métiers du cuir option Chaussures ou Maroquinerie, le CAP Coiffure, Maquillage, le Bac pro perruquier posticheur ou encore le CAP broderie d’art à la main et Cornely. Tous les aspects évènementiels du défilé furent gérés par des lycéens ! Le lycée Léonard de Vinci a participé avec sa section machiniste constructeur de décor. Les lycéens de la SEGPA Jacques Prévert ont réalisé les décorations florales tandis que ceux du Lycée Erik Satie en Bac pro accueil se sont chargés de l’accueil !  Un travail collaboratif de nombreux lycéens issus de formations diverses.

Étonnement : le défilé va durer longtemps, plus d’une heure où nous découvrirons 158 modèles !  On nous prévient, les mannequins ne sont pas des pros, on sollicite l’indulgence du public.  On nous présente la thématique : la mode astrale.  On se demande où elle nous emmènera?  Les mannequins novices se suivent, le numéro du modèle à la main, rappelant cet usage des années 50 et non dénué de charme et d’efficacité : on  prend connaissance  des caractéristiques et savoir-faire exigés par chaque modèle dont nous avons la fiche.

De ce défilé marathon, quelques modèles sortiront du lot et seront primés comme cette magnifique robe plume « Diane au jardin d’Eden » réalisée par les élèves du Lycée Octave Feuillet des 1re et 2e année de CAP Plumassière et UFA.

Concept de la robe plume 151 par Nelly Saunier en deux minutes

Les lauréats seront récompensés par les grandes marques sponsors. La lauréate du Premier Prix Tenue de soirée, Adélaïde Brient du Lycée Octave Feuillet, recevra un ordinateur pourvu de l’outil CAO Vetigraph  et remis par son président  lui-même, Pascal Jehan.

pascal jehan vetigraph

De quoi persévérer dans une filière qui, rappelons-le, n’est pas assez valorisée comparé aux autres dites généralistes. Citons néanmoins les ambitions du gouvernement en 2011 en vue de revaloriser ces formations aux métiers d’art.  Ainsi est-il question de redonner un caractère obligatoire à l’enseignement du dessin, pour tous les élèves au cours de la scolarité quelle que soient les filières et de créer un diplôme supérieur des métiers d’art (DSMA), permettant aux élèves les plus motivés d’évoluer d’un CAP vers un diplôme bac+5, avec le souhait d’introduire un apprentissage plus généraliste “pour répondre à un réel besoin de qualification” selon le gouvernement en 2011.

Les artisans ne partagent pas tous cette perspective comme Sania Monégier, directrice de l’Association Formation Tailleur (AFT) qui souligne la nécessité de la pratique du métier d’art et de sa spécialisation pour acquérir l’excellence de la réalisation. Elle regrette ainsi l’apparition de formations ayant l’objectif de faire de l’étudiant un touche à tout :  un frein, selon elle, à l’apprentissage d’une expertise dès le plus jeune âge  pour celle/celui qui en sent la passion, comme pour celle/celui  pourvu(e) d’un diplôme supérieur généraliste, désireus(e) de changer de carrière et dont le besoin est désormais la spécialisation.  Le parcours des artisans créateurs n’est pas aussi linéaires qu’on pourrait le croire :  il peut s’inscrire dans une tradition familiale ou une passion née tôt, ou encore se dessiner après avoir eu une vie professionnelle autre. Dans tous les cas, la question de la formation aux métiers d’art se pose et, aujourd’hui plus que jamais, s’impose aux professionnels de la mode et aux entreprises perpétuant un savoir-faire traditionnel.

Une  chose est certaine :  le besoin de valoriser ces métiers d’art et les formations qui y mènent. Cette période de remise de diplômes et de défilés était donc l’occasion pour the Daily Couture de le faire !

Stéphanie Bui

stephanie@thedailycouture.com

lycée mode paris
Casque planétaire en rubans et corset en broderie argentée et superposition de tulle -Premier Prix Tenue de soirée, Adélaïde Brient du Lycée Octave Feuillet

Notes :

ENSAD

Lycée D’Alembert

Lycée Elise Lemonnier

Lycée Marie Laurencin

Lycée Octave Feuillet

Lycée Paul Poiret

Lycée Turquetil

Association Formation Tailleur (AFT)

The Daily Couture organise des tours privés et personnalisés sur la thématique du Paris de la haute couture et du sur mesure. Une occasion rare de découvrir des savoir-faire d’exception en dehors des sentiers battus de Paris. Pour en savoir plus, c’est sur cette page dédiée à nos visites.

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