Art Textile par Hermès 1/3



L’artisan d’art est l’interprète et le fabricant de l’histoire qu’on lui confie. Son défi : que l’histoire prenne forme. Chez Holding Textile Hermès, l’histoire sera transcrite sur soie. Immersion dans un savoir-faire qui perdure.

La semaine parisienne de la Haute Couture automne-hiver 2013-2014 inaugurait un nouvel évènement : la découverte de savoir-faire traditionnels de la mode et de la joaillerie sans cesse renouvelés par de grandes marques de luxe françaises cultivant l’authenticité de la pièce unique née à l’atelier. Au programme ? Visites d’ateliers de Haute Couture et rencontres avec des artisans d’art travaillant au sein de grandes maisons.  Sur the Daily Couture, je partagerai avec vous cette virée toute personnelle, passionnante, dans l’univers de l’artisanat de Hermès avec cette série de billets intitulée Art Textile par Hermès, lors de chaque nouvelle édition de l’évènement. A découvrir ci-dessous : le premier billet consacré au savoir-faire du carré de soie.  Mis en ligne plus récemment, à l’occasion de la présentation Haute Couture printemps-été 2014, le billet Art du Textile par Hermès 2 que je vous invite à lire.

Comment saisir les spécificités des métiers artisanaux et anciens du secteur du textile ? – car soyons honnêtes, seuls les artisans comprennent réellement ce qu’ils font !  Et là sans doute réside aussi le charme de ces métiers nés d’un autre temps, méconnus, et pourtant si nécessaires au bel ouvrage de la pièce textile réalisée dans les règles de l’art. Il est même courant, de nos jours, de constater le manque de connaissance des équipes créatives au sujet des processus de fabrication, et cela se comprend : l’artisan est l’interprète et le fabricant de l’histoire qu’on lui donne. Son défi : que l’histoire prenne forme. Chez Holding Textile Hermès, l’histoire sera transcrite sur soie.

Seule la rencontre avec les artisans semble finalement à même de faire saisir l’essence de ces métiers artisanaux et anciens. « La main, l’œil, et le ressenti », voilà la formule  résumant bien l’esprit de ces savoir-faire portés par ces métiers chez Hermès, selon  Franck Barraud, responsable ventes et produits de Bucol. Un « luxe intemporel » qui a l’élégance de ne pas se nommer, la maison préférant citer les mots « métiers » et «artisans » toujours et encore, même quand ce n’était pas à la mode.

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C’est dans le charmant musée Nissim de Camondo baigné d’une lumière estivale propice à l’échange convivial avec les artisans venus de Lyon qu’avait lieu, pour la première fois, la présentation des savoir-faire textile d’Hermès pendant la semaine de la Haute Couture automne-hiver 2013-2014 à Paris. Haute Couture oblige !

Holding Textile Hermès : le premier pôle d’excellence en matière d’ennoblissement en France

Il s’agit de mettre en avant toute la filière textile d’Hermès fédérée autour de huit sociétés, explique Kamel Hamadou, responsable de la communication de Holding Textile Hermès, société regroupant les métiers d’art désormais intégrés par Hermès et qui, notons-le, met aussi son savoir-faire au service de clients dans le monde entier sous le nom de société Bucol.

A partir du cocon de soie, la matière brute achetée au partenaire brésilien – car en France, on ne trouve plus de cocons, les dessinateurs, graveurs, tisseurs, coloristes et imprimeurs s’attèleront à la réalisation du carré de soie. Ainsi la transformation du cocon en fil d’après plusieurs fils se fait-elle dans les ateliers. « On est aujourd’hui le premier pôle d’excellence en matière d’ennoblissement en France avec cette Holding qui comprend environ 750 personnes en France.», souligne Kamel Hamadou. « Pour s’assurer de la pérennité des métiers, un plan de recrutement, à Bourgoin, fut mis en place et nous avons notre propre école de la main comme pour l’école du cuir à Paris pour Hermès. C’est le même esprit de transmission.  Une quarantaine d’apprentis ont été retenus pour apprendre le savoir-faire de l’impression, par exemple. Le luxe, c’est que chaque apprenti à son tuteur. C’est un investissement colossal que la maison fait pour que le savoir-faire puisse se transmettre à la prochaine génération. »

Le carré de soie Hermès : un savoir-faire made in Lyon

Retenons que le cocon sélectionné est formé d’un seul fil long de 1500 mètres. 300 cocons seront nécessaires pour filer un carré, soit environ 450 kilomètres de fil. Et au responsable de communication de conclure : « on n’imagine pas souvent ce que la nature nous donne !» Quand on s’intéresse aux savoir-faire, qu’il s’agit alors de remonter les filières de production, on en revient toujours à la matière quelle qu’elle soit, à la source avec le regard d’en haut porté sur les choses. La création nait à partir d’un écosystème à protéger, car quid du concept, de l’histoire si elle ne se matérialisait pas ?

« On est fiers de ce made in France, pour ne pas dire made in Lyon, confie Kamel Hamadou. Hormis le dessin qui vient de Paris, tout le reste, c’est made in Lyon. Et de rappeler que la région Rhône-Alpes reste la première région textile de France où les savoir-faire ont pu se développé dès le 17ème siècle grâce à François 1er. Voilà pourquoi Hermès est toujours inscrit dans ce berceau de savoir-faire depuis la réalisation de son premier carré de soie en 1937.

Le sabrage chez Hermès ou la belle histoire de la renaissance d’un savoir-faire

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On se demande souvent comment certains savoir-faire perdurent encore de nos jours, comme celui de la sabreuse, à savoir couper à l’aide d’un outil tranchant l’un des 2 fils de chaîne d’un satin duchesse pour faire apparaître un motif en relief… Pas de formations à l’école, un métier des plus méconnus, très spécialisé… Comment Hélène Sanchez est-elle donc devenue artisan sabreur chez Hermès et l’est encore en 2013 ?  En voilà une jolie histoire de transmission que the Daily Couture voulait partager avec vous !

Tout a commencé il y a une vingtaine d’années avec Monsieur Garou venu travaillé comme chef des ateliers de contrôle chez Hermès, après avoir fermé, près de Saint-Etienne, son entreprise spécialisée dans le sabrage pour la Haute Couture. Toutes les sabreuses partaient à la retraite ! Il avait un book de ses réalisations qu’il montrait à l’occasion car c’était un passionné. Personne ne savait qu’il avait été sabreur !  Il avait réalisé la robe de mariée de la Princesse de Hambourg dont les photos et échantillons enchantaient les collaborateurs. « C’était magnifique ! », se souvient Hélène Sanchez. Quand tout le monde vit ses créations et apprit que le métier allait se perdre,  Hermès demanda à Monsieur Garou de former des personnes en plus de son travail. Il était tellement passionné qu’il a dit oui tout de suite !  Sur les dix personnes désireuses de suivre cette formation, Hélène Sanchez fut parmi les trois retenus, à 22 ans, après des essais. Même la femme de Monsieur Garou assistait aux formations en bénévole car elle adorait aussi le sabrage !

Les jeunes femmes sabraient avec cet outil dont personne ne savait ce qu’il était vraiment ni d’où il provenait… Le passage du temps laissant sa marque sur ces outils, commençait à se poser la sérieuse question de leur renouvellement… Un jour, un photographe venu en reportage leur fit remarquer que l’outil ressemblait à une tringle utilisée sur les métiers à tisser. Bingo !  C’était bien cela !  Soulagement chez les sabreuses ! Elles avaient même essayé de sabrer au scalpel, sans succès !

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photo : Anne le Sergent
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photo : Anne le Sergent

La formation s’est faite sur le tas, par la pratique.  C’est un peu comme la sculpture sur bois ou marbre, on enlève de la matière. Si on enlève trop, on ne peut plus reprendre. Les temps ont changé mais la passion reste intacte ou est-ce parfois aussi un besoin ?

Quand on est nerveux, on part courir, nager, faire une virée shopping ou autres, quand elle est nerveuse Hélène Sanchez, elle, fait du sabrage !  C’est de la « thérapie gratuite », répond-elle, amusée, quand on lui demande les qualités à posséder pour être artisan sabreur. Loin donc l’idée de la nécessité d’un naturel calme pour rester assis à son métier à minutieusement couper un fil de la pointe de son outil tranchant… Que les nerveux que nous sommes tous plus ou moins gardent en tête les possibles bienfaits d’une pratique manuelle exigeante !

A son tour, Hélène Sanchez transmet son savoir-faire à la jeune génération.

Les étapes de fabrication du carré de soie Hermès

Deux ans sont nécessaires pour réaliser un carré Hermès à partir d’une chaine de métier.  Au tout début de la chaine des métiers, l’illustrateur raconte une histoire sur un papier à l’échelle 90 x 90. Cette étape demande six mois de travail.

Ensuite, ce dessin arrive à Lyon, débute alors le travail du graveur qui va décomposer le dessin original en autant de clichés qu’il compte de couleurs. Ce premier travail de préparation à l’impression est nécessaire pour une transcription fidèle du dessin sur la soie. Avant cette étape, il sera nécessaire de s’atteler à la décomposition à la main du dessin : « il faut réaliser un travail d’interprétation du dessin à la main, sans jamais trahir la pensée de l’artiste – et c’est ça la performance », souligne Kamel Hamadou. Tout est fait main, à l’encre de chine, à la plume, la plume électrique et le crayon.

Ensuite, par un procédé photographique, chaque cliché va donner naissance à un cadre différent.  C’est l’impression au cadre ou à la lyonnaise restée traditionnelle. L’artisan imprime successivement chaque couleur composant le dessin, cadre par cadre, selon un ordre très précis. Autant de cadres sont nécessaires qu’il y a de couleurs, soit la nécessité parfois de créer 45 cadres pour un seul dessin!

La troisième étape, c’est le tissage. A partir d’un cocon provenant du partenaire brésilien d’Hermès, le cocon est dévidé pour faire de l’assemblage de fils afin d’en faire un fil solide qui sera enrobé dans des bobines, qui seront, elles, posées sur un métier à tisser où l’on viendra s’entrecroiser deux fils, un dans le sens de la trame, l’autre dans le sens de la chaîne.

La prochaine étape concerne les coloristes. Ils vont décliner les couleurs sur deux saisons en deux collections. D’un nuancier de 13 couleurs en 1937, Hermès travaille aujourd’hui avec 46 couleurs à partir desquelles peuvent être créées 75000 couleurs. Pour chaque saison, une quinzaine d’ambiance différentes seront présentées, une dizaine seront retenues et proposées aux boutiques qui viendront acheter leurs collections deux fois par an.  Ensuite, les collections seront lancées, et aura lieu l’opération de fixage à la vapeur, puis l’opération de lavage pour enlever l’excédent de gomme naturelle contenue dans la couleur, ensuite ce sera l’étape du séchage…. On finira par la confection et le roulottage du carrée pour une finition parfaite…

par Stéphanie Bui

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Depuis 2011, à la demande, the Daily Couture organise des immersions dans les Ateliers Haute Couture à Paris travaillant pour les plus grandes maisons de mode. Le tout organisé par une journaliste mode.

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En savoir plus, c'est par ici : Visites Ateliers Haute Couture à Paris | Immersions Mode 

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