CHAPEAUX À HISTOIRES FABRIQUÉS EN FRANCE



C’est une histoire de mode fondée sur un savoir-faire et des convictions à défendre, celle de Céline Robert, créatrice modiste attachée à son métier et au made in France. Elle nous emmène dans les coulisses de la création artisanale de chapeaux.

C’est une histoire de mode fondée sur un savoir-faire et des convictions à défendre, celle de Céline Robert que The Daily Couture souhaite mettre en lumière au moment où les métiers d’art sont mis à l’honneur, pour la première fois au niveau européen, avec les Journées Européennes des Métiers d’Art 2012, ces 30 – 31 mars et 1er avril.

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Structure en résine par Céline Robert, créatrice modiste

UNE HISTOIRE DE CHAPEAUX MADE IN FRANCE

Céline Robert Chapeaux, la marque de mode labellisée Entreprise Patrimoine Vivant en 2011, se déploiera à l’international d’ici 2016. A l’heure où le gouvernement français et de nombreux professionnels de la mode et du luxe s’emparent à bras le corps de la question de la préservation des savoir-faire des métiers d’art au cœur d’un luxe français qui ne connait pas la crise, mais pourrait bien la connaitre, un jour, si la fabrication venait à disparaître, la vision de cette créatrice modiste attachée à son métier et au made in France nous emmène dans les coulisses de la création artisanal de chapeaux. Pour The Daily Couture, rencontre avec Céline Robert à l’occasion de l’inauguration de sa nouvelle boutique parisienne située dans la Galerie Vivienne.

Vous avez été sensibilisée au métier artisanal de la chapellerie et à la création par votre famille dont l’activité liée aux savoir-faire de modiste remonte à 1905…

CR : Mes grand parents paternels étaient modistes. Par ma mère céramiste, j’ai été sensibilisée au modelage et à la matière.  Ma grand-mère maternelle a, elle, obtenu le  Prix de Rome en gravure aux Beaux-Arts, et j’ai moi-même été aux Beaux-Arts en sculpture.

Vous avez été récompensée pour votre action dans la formation à votre métier de modiste, en 2010, par le prix du meilleur recruteur dans la catégorie Revenu de Solidarité Active décerné par l’agence Cap Création Sarthe pour votre partenariat avec le chantier d’insertion AFIC Créafibres…

CR : C’est important d’avoir une action quand on peut l’avoir, ce qui est possible avec nos métiers de la couture. On a embauché deux femmes venant des chantiers d’insertion sachant qu’il y a très peu de femmes dans ces structures.  Nous souhaitons poursuivre la formation des femmes dans le cadre de ces chantiers d’insertion afin de les embaucher.  Ils sont un peu comme nos bureaux de recrutement. A terme, ce serait bien d’avoir 15 couturières au lieu des 6 d’aujourd’hui.

Il y a pourtant quelques écoles qui forment aux métiers de modiste…

CR : Très peu d’écoles forment au métier de modiste et les élèves veulent surtout s’installer à leur compte et non intégrer un atelier. Par ailleurs, c’est un métier qui demande des compétences, bien sûr,  mais aussi et surtout un travail sur l’identité de la création, avec une approche artistique sur la forme, le volume et la création de collections que les formations actuelles n’offrent pas.  En France, nous sommes face à la problématique d’un cloisonnement entre les formations.  Au niveau de la formation, on n’apprend pas à faire de la couture aux beaux-arts comme en Belgique ou en Angleterre.  Cela pose problème. D’après moi, là où il faut travailler plus en amont pour défendre ces métiers d’art,  c’est au niveau de la formation pour y mettre une exigence intellectuelle et artistique. Comment réfléchir à un engagement artistique ? Comment s’engager sur une notion d’inventivité ouverte ? Comment réfléchir au concept ?

Parlez-nous de votre approche de la création, vous avez fait les Beaux-Arts à Paris dans la section sculpture et vous aimez dire : « Ce qui m’intéresse, c’est la lumière qu’un chapeau apporte à un visage, un éclairage sur la singularité de la personne, une mise en identité »…

CR : C’est une cueillette permanente sur tout ce que je peux voir : comment est montée une chaise ? Comment est construit un bâtiment ? Je suis attentive à l’esthétisme culinaire, aux rapports de couleurs, des formes et aux matières qui me répondent comme la fibre de buntal (provient d’un palmier aux larges feuilles), l’abaca (appelé « chanvre de Manille » provenant d’une espèce endémique de bananier originaire des Philippines), la résine polyester et le feutre taupé (feutre de poils de lièvre ou de lapin).Quant à mon inspiration artistique, j’aime tout particulièrement  le travail de Sonia Delaunay et de Toni Grand, les volumes de Donald Judd et l’abstraction des toiles de Soulages. Néanmoins aujourd’hui, le travail créatif réside aussi dans l’invention des matières puisque les modistes ont les 3 mêmes importateurs qui fournissent les mêmes matières à tous….

Pourtant le secteur du textile est très innovant avec de nouvelles matières toujours plus performantes créées…

CR : Mais cela rentre très peu dans le cadre des métiers comme les chapeaux, c’est à nous d’aller chercher par nous-même ces matières nouvelles.  Nous sommes aussi amenés à faire de la recherche pour créer des matières textile en fonction des formes nouvelles que nous voulons créer. Il faut inventer les constructions de matières parce que nous avons des problèmes de renouvellement à ce sujet. Aussi nous arrive-t-il d’avoir des matières qui sont sujet à des approvisionnements irréguliers. Par exemple, la fibre de cactus provenant des Philippines et dont l’approvisionnement est  soumis aux conditions climatiques, et parfois aux typhons. Il nous arrive d’avoir des ruptures de stock de matières.  C’est d’autant plus ennuyeux que c’est une des matières de base de mes collections et c’est une fibre que j’adore car elle a de la résistance, du chic et du répondant.  Faire ce travail de recherche sur de nouvelles matières permet aussi d’échapper à la copie et de renouveler la mode.

Vous faisiez partie des personnes invitées à poser une question au Président Sarkozy lors de l’émission Paroles de Candidat sur TF1, comment cela s’est-il organisé ? Qu’avez-vous pensé de la réponse du Président à votre inquiétude sur la disparition des métiers artisanaux en France ?

CR : J’ai été appelée par TF1 qui a invité des personnes ayant fait l’objet  de reportages sur TF1 au cours de l’année.  En décembre dernier, j’étais apparue dans un reportage dans le cadre de la remise de l’International Microfinance Award décernée par Planète Finance  (pour son action de formation de femmes  issues des chantiers d’insertion et devenus couturières dans sa société). Pour ma participation à cette émission, je voulais savoir ce que l’état faisait aujourd’hui pour soutenir les emplois dans les entreprises dont la valeur ajoutée est le savoir-faire d’excellence. Mais nous n’avons pas eu la réponse. Et aujourd’hui, notamment dans la filière textile, ce fut très clair : c’est une « filière sacrifiée ». Que cela  soit un fait acquis et accepté de la sorte est grave parce que la filière génère encore beaucoup d’emplois, même  si on sait  bien que la filière textile est sacrifiée depuis l’ouverture des quotas et des frontières. L’état français ne donne même pas 10% de ses commandes en confection à l’industrie française.  Le Président a mentionné que ce n’était pas une question française mais européenne et qu’il était question de créer un Business Act au niveau Européen. Je ne suis pas protectionniste. Cela dit, un tel Business Act n’assurerait pas la préservation du travail des façonniers français. Cela donnerait du travail aux façonniers européens plus concurrentiels au niveau des salaires.

Que pensez-vous de la façon dont la situation des employés de Lejaby s’est résolue ?

CR : Les employées de Lejaby sont corsetières  à la base.  Je considère que ce fut un effet d’annonce pour faire croire qu’on s’occupe de la situation. Dans un premier temps, Lejaby est constitué de trois sites et non d’un seul. Et ce n’est pas comme cela qu’on défend les savoir-faire : en emmenant le personnel vers une formation autre que celle où il est déjà performant.

On a sauvé des emplois, mais pas un savoir-faire, selon vous.

CR : Mais cela a permis, comme tout ce qui est médiatique, de prendre conscience de l’existence de telles entreprises et des difficultés qu’elles traversent. Si cela pouvait faire prendre conscience du prix de la fabrication en France, ce serait un premier pas, mais j’en doute.

Comment travaillez-vous avec les organisations professionnelles de la mode ?

CR : Je suis engagée dans plusieurs fédérations comme le syndicat national de la chapellerie et Mode Grand Ouest (l’organisation professionnelle territoriale la plus importante en nombre d’adhérents et en poids économique auprès des principales fédérations nationales de la profession)  Je suis le référent créateur pour eux. C’est très important d’avoir un engagement et de se constituer en groupe. C’est important de se professionnaliser afin de résoudre ensemble les mêmes problèmes organisationnels de montage de collection, de rentabilité, et la difficulté de trouver du personnel qualifié. L’une des initiatives consiste à soutenir des binômes créateurs et façonniers qui se seront trouvés. On les aide pour la création d’une collection et la commercialisation. C’est une façon de remédier à la délocalisation de la production. Aux binômes donc de se trouver, de monter un dossier et de passer devant une commissions et un jury.  Ce type d’initiative s’avère pertinente pour nous qui souhaitons travailler sur des collections de produits complémentaires comme des étoles et écharpes et qui exigent de faire appel à des savoir-faire autres que les nôtres. Je crois en la mutualisation des compétences et au pouvoir d’agir ensemble.

Vous avez travaillé avec des couturiers ?

CR : En 1990, j’avais prêté des structures en résine polyester pour le défilé de Paco Rabanne. Ces structures sont le résultat de recherches qui nourrissent la création des collections. J’aime le côté architecturées des formes. Mais là où c’est compliqué de travailler pour les couturiers en tant que chapeau, c’est qu’on est accessoire, on n’est pas en autonomie de création. Comme pour les concerts mettant en avant le petit jeune qui démarre en première partie, j’aimerais défendre l’idée de faire des défilés avant les défilés. Parce que si le chapeau est trop fort, il prend toute la place.

Parlons enfin de la façon dont vous avez réussi à faire évoluer votre savoir-faire en marque, car Céline Robert Chapeaux est géré comme une marque à présent.  Le modèle idéal pour la bonne gestion d’une marque de luxe reste l’idée du duo formé du créatif et du gestionnaire… Votre couple à la ville l’est donc aussi au travail ?

CR : Avant que mon époux ne vienne me rejoindre, j’avais déjà ma structure. Ce qui l’a intéressé, c’est de développer un réseau de boutiques en nom propre et faire donc de mon nom  une marque.

Dans vos six boutiques parisiennes, vous présentez aussi une large collection de chapeaux hommes et femmes de  Borsalino, Stetson, Guerra, Fléchet, La Tribu des oiseaux et vous avez mis en place un service de  conseil en réparation de chapeaux…

CR : C’est une démarche métier. C’est une chapellerie traditionnelle regroupant des produits créés par des modistes partageant la même exigence. Comme c’est un métier devenu peu courant, tout en étant affectif parce qu’ on a tous dans nos placards des chapeaux de grands parents ou autres que l’on aimerait parfois porter, nous proposons de donner un deuxième vie à ces chapeaux à la valeur affective. Nous les réparons et nettoyons. C’est aussi une façon de se raccrocher à nos racines. C’est important pour nos métiers. Cette démarche s’intègre bien avec notre lieu spécialisé.  On aime les chapeaux quels qu’ils soient et d’où ils viennent.  On encourage les gens à en remettre. Vous pouvez tout à fait ramener votre chapeau quel qu’il soit, même ancien, on peut remettre une  voilette, le nettoyer sauf quand la matière ne le permet plus. Nous faisons un vrai diagnostic sur l’objet.

Si votre développement actuel est possible c’est parce que vous avez un investisseur, comment cela s’est-il mis en place ?

CR : Notre investisseur privé, Seven Finances lié à l’entreprise Agema, est notre agenceur de boutique et un investisseur sur un autre réseau de boutiques liées à la mode homme dans l’univers du rugby. Nous l’avons rencontré par le biais de nos formations professionnelles où nous avions été mis en relation avec le cabinet Texageres, il y a un an. Aujourd’hui, nous sommes intéressés aussi par le croisement des compétences, et nous pourrions même faire des créations pour cette mode homme liée à l’univers du rugby. Cela permet de se constituer en groupe, de lier la production au développement du réseau de boutiques et d’amplifier cette énergie pour avoir aussi des emplacements de premier choix. Cela nous permet de nous développer plus vite !

Site de Céline Robert Chapeaux


 

 

 

 

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