Destination la Normandie : haut lieu d’un lin à la mode



La première édition du Linen Day Paris, du pays de Caux à Versailles: la nouvelle vie royale d’une fibre de lin millésimée

le 7 Juin 2022

L’accession du lin à la scène de la création contemporaine prend l’allure d’une belle revanche depuis que le monde de la mode à présent, du design bientôt, et les consommateurs, redécouvrent la seule fibre textile végétale originaire d’Europe, et la plus ancienne fibre au monde utilisée depuis 36 000 av. J.-C. Il en aura fallu des expositions et des évènements mettant en avant les innovations menées par 10 000 entreprises européennes, soutenues par la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC) depuis 1951, pour qu’à l’heure de l’impératif écologique soit enfin devenu sexy le leadership mondial de la France en la matière.

Des 80% de la production mondiale de lin de qualité premium basée en Europe de l’Ouest, les liniculteurs français représentent les plus gros producteurs (61%). A elle seule, la coopérative agricole normande Terre de Lin, dans le pays de Caux, fournit 15% de la production mondiale d’une qualité premium aux propriétés écologiques : sans irrigation à 99,9%, zéro OGM, zéro défoliant, sobre en engrais, zéro déchet, biodégradable, respirant et thermorégulateur.

Vers une fibre de lin européenne à la traçabilité rêvée : du champ au vêtement

Rassurées par la traçabilité de la fibre végétale européenne certifiée EUROPEAN FLAX® et du tissu en lin européen certifié MASTERS OF LINEN®, les marques de mode ont trouvé là une fibre idéale répondant à l’impératif d’écoconception dans le cadre de la stratégie de l’UE promulguée en mars 2022, imposant des textiles durables et circulaires. On comprend mieux la renaissance du lin dans la mode aujourd’hui, et son nouveau statut de « filière d’avenir ». Dans ce contexte de législation propice pour son marché, le savoir-faire du lin sera honoré par la première édition du Linen Day Paris*. Le 9 juin 2022, se réuniront professionnels de la mode et experts textiles autour de conférences et retours d’expérience sur son potentiel textile et industriel.

Pour le grand retour du lin sur la scène glamour de la création contemporaine, le hameau de la Reine, domaine de Versailles, sera l’écrin du savoir-faire traditionnel des liniculteurs. En clôture du Linen Day Paris seront mis à l’honneur deux champs de lin, cultivés par le groupe des jeunes agriculteurs de Terre de Lin en complicité avec les jardiniers de Versailles, destinés à familiariser le public à cette fibre cultivée principalement en France. Car, entre 63,6% et 78,4% des personnes interrogées sur les principaux marchés – France, UK, US, Italie, Chine, Inde –  pensent à tort que le lin est cultivé dans le monde entier (Etude Baromètre lin CELC/IFM 2021).

destination la normandie : haut lieu d'un lin à la mode. Linen day paris 2022

In Normandy, a farmer is growing quality flax. France represents 61% of the world’s production ©S.Rande / CELC

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Le lin, un vaste champ des possibles

Aux oubliettes le cliché des fameux costumes en lin aux effets froissés négligés, parangon de la Dolce Vita, en porte à faux avec le chic à la française. A présent, le lin nouvelle cuvée s’affranchit de son image de matière indomptable, et fait fi des frontières. Porté été comme hiver, seul ou mélangé à d’autres fibres pour des rendus esthétiques plus écologiques, le lin cultive moult effets à même de nourrir la passion de la mode pour la nouveauté. Ses innovations en tricotage apportent souplesse, élasticité et infroissabilité pour des effets de tissu maille confectionné en t-shirts, tops ou sweatshirts, bien loin de son image rustique étriquée.

Bien qu’elle ne représente que 0,4 % des fibres textiles mondiales, la fibre  européenne emparadisée investit autant les défilés de mode que les collections de marques commerciales comme Uniqlo ou celles de l’enseigne Monoprix. A présent, elle se classe parmi les trois premières fibres perçues comme respectueuses du climat sur les marchés français, italien et chinois, l’Inde étant un marché prometteur. D’autres chiffres (Etude Tagwalk 2022 pour la CELC) laissent présager des jours heureux : + 102% de looks en lin sont apparus dans les collections femme printemps-été 21 sur les podiums par rapport à la saison précédente, avec une majorité des créateurs des maisons de luxe (64%) l’ayant travaillé dans leurs collections, à l’instar de Balenciaga, Jacquemus, Louis Vuitton, Chloé… Dans les collections de prêt-à-porter 22, il fut plébiscité par 13% des designers qui l’ont utilisé pour au moins un look. La saison révélait alors des jeux de broderies et d’ornementation façonnés dans du lin. Un bon point pour son avenir sachant que 55,6% des Français intéressés par un achat de mode plus responsable privilégient le choix de matières naturelles (Etude IFM/Première Vision 2019).

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La ferveur des consommateurs militant pour l’utilisation du lin béni s’est ainsi manifestée sur la plateforme citoyenne Les Lignes Bougent : « Textiles : le lin peut-il remplacer le pétrole ? »  Ce qui nous débarrasserait notamment du polyester représentant 70% des fibres synthétiques produites dans le monde. Rappelons que nos lavages de vêtements contenant du polyester, matière la plus répandue dans la mode, déversent 500 000 tonnes des microfibres plastiques par an dans les océans. Ce qui équivaut, selon l’ADEME, à plus de 50 milliards de bouteilles en plastique par an déversées dans les océans*. 

Des terres de lin non infiniment extensibles

Or si l’âme de la mode et de ses fervents défenseurs n’ont de cesse de repousser les frontières du réel, le lin, lui, dépend de la vie de terres « non infiniment extensibles », relève Laurent Cazenave, responsable communication chez Terre de lin, et ancien agriculteur avant de découvrir les particularités de cette culture, à son arrivée dans le pays de Caux. Sur les douze dernières années, les surfaces de culture ont doublé, + 133% entre 2010 et 2020 environ sur l’ensemble du terroir linier européen, précise Maxime Barbe, troisième génération de liniculteurs. « En Normandie, les surfaces ont surtout augmenté dans le Calvados et l’Eure qui cultivaient moins de lin que la Seine Maritime. Les augmentations ont eu lieu chez des liniculteurs traditionnels mais aussi par de nouveaux agriculteurs qui ne le cultivaient pas avant ». Si tous les consommateurs de vêtements en lin se trouvent dans le monde entier, sa culture reste locale et limitée, même si sont créées des cultures agricoles variétales naturellement traitées comme le lin d’hiver dont les terres sont cultivées en octobre – au lieu de mars comme la majorité des terres de lin -, un atout intéressant pour les terroirs les moins pluvieux.

Dans la foulée de cette redécouverte du lin par nos contemporains, quid du scénario d’une inarrêtable croissance de la demande pour le lin européen et la possibilité des acteurs locaux d’y répondre ? Laurent Cazenave prévient d’une dérive qu’engendrerait la perspective d’une production à tout va, non  respectueuse des propriétés intrinsèques de la liniculture : « On peut développer des cultures de lin un plus loin, mais on subira les aléas climatiques, et perdra cette qualité certifiée EUROPEAN FLAX® qui garantit qualité, traçabilité et origine ». On ne peut pas étendre sa culture infiniment, même si une fibre aux fils plus gros, de moins bonne qualité, sera destinée à l’ameublement. Car rien dans la fibre de lin n’est jeté. 

« On ne peut pas banaliser la culture du lin, c’est toute une histoire, elle porte des valeurs ». Laurent Cazenave, responsable communication chez Terre de Lin, et ancien agriculteur avant de découvrir la culture du lin à son arrivée dans le pays de Caux.

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Liniculture, une culture atypique à l’image de la viticulture : la fierté du pays de Caux

 

Écouter un liniculteur parler de son métier, c’est un peu écouter un autre énoncé du monde défiant naturellement la récession de sens inhérente à un productivisme sans foi ni loi. Pour Maxime Barbe, « cultiver le lin, c’est comme cultiver le raisin dans l’industrie du vin : il n’y a pas deux récoltes identiques. C’est une culture de transmission, une culture d’observation qui se rapproche du travail de la vigne, avec une notion de millésime, de savoir-faire qui subliment. Nous avons les mêmes notions de terroirs et de millésimes. Chaque année le liniculteur change de champs pour cultiver le lin, il respecte une rotation de 6 à 7 ans. L’étape du rouissage est primordiale pour la qualité des fibres. Pendant l’été a lieu le rouissage, c’est une étape naturelle en plein champ qui permet de libérer la fibre grâce à l’alternance de la pluie et du beau temps. Le rouissage dépend de la météo et du savoir-faire de retournage des pailles de lin par le liniculteur. Ainsi chaque année donne un nouveau millésime de qualité de fibres. Ce qui en fait de la culture du lin une culture identitaire de la région. C’est une vraie fierté pour les liniculteurs. L’aspect éco-responsable de la culture du lin est aussi une valeur défendue par les agriculteurs. C’est une culture technique qui demande beaucoup d’humilité, une année ne fait pas l’autre. De plus, cette culture est transmise de génération en génération, elle a une réelle histoire à mettre en avant. » Autrement dit, une culture régénérant les sols, et les esprits aussi !

Cependant, à l’instar de nombreux savoir-faire, il n’existe pas de formation pour cette « filière atypique » fondée sur l’assemblage de fibres toutes uniques, résultant d’une « alchimie » entre les éléments climatiques et le savoir-faire des agriculteurs. La responsabilité en revient à la coopérative. Endossant le rôle de do tank et de hub de la liniculture, Terre de Lin rassemble de jeunes liniculteurs « très contents de posséder leur outil de travail ». Soit une précieuse autonomie, source de liberté et de responsabilité. Celle de valoriser leur production lors d’événements comme cette première édition du Linen Day Paris qui mènera les liniculteurs normands vers le domaine de Versailles. De quoi se parer d’atouts royaux bienvenus. « Notre culture va être présentée aux yeux du monde entier. C’est une communication motivante », se réjouit Damien Ouvry, agriculteur. Prochainement, la célébration de la culture du lin normand reprendra de plus belle, dans un pays de Caux estival, où curieux et passionnés se retrouveront pour les 30 ans du Festival du Lin, les 8, 9 et 10 juillet 2022.

Notes :

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