UN SAVOIR-FAIRE ANCESTRAL RELANCÉ: LE CUIR ÉCOLOGIQUE EN PEAUX DE POISSONS



Reconstituer l’industrie ancestrale du tannage des peaux de poissons selon les principes de l’économie circulaire dans le Bassin d’Arcachon : l’ambition de Femer Peau Marine qui crée une chaine de production soutenable et éthique « depuis le pêcheur au sac à main ».

Le tannage des peaux de poissons pourrait-il avoir un avenir dans le pays reconnu pour ses cuirs de vache ou d’agneau ? L’idée est tentante, mais la difficulté de taille : bousculer des habitudes de consommation. Après tout, en France comme en Europe, la consommation de viande ne diminue-t-elle pas ?*  Or quel moment plus propice pour réfléchir à comment ré-inventer de nouvelles habitudes depuis la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, une date clé ?  Dans l’effervescence de l’évènement international aux attentes certaines, Paris accueillait de nombreux acteurs du changement vers un mode de vie plus soutenable, écologique. Femer peau marine, jeune entreprise bordelaise de peausserie spécialisée en cuir de poisson, en était. The Daily Couture l’a rencontrée et partage avec vous son aventure entrepreneuriale inspirante. C’est qu’elle nous ramène vers l’essence de la création où beauté, tendance et bon sens peuvent faire bon ménage.

Bien décidée à relever le défi de faire du cuir de poisson une industrie écologique en Aquitaine où l’entreprise a ses racines, Marielle Philip, sa fondatrice, partageait son histoire pendant la table-ronde B to B sur le cuir et le développement durable grâce aux rendez-vous organisés par les professionnels de la mode de la Maison du Savoir-Faire et de la Création, soutenue par the Groupement de la Fabrication Française (GFF) et la the Fédération Française du Prêt à Porter Féminin (FFPAPF).

fish leather, femer, france

fish leather, femer, france

fish leather, someone shoes, franceUne fabrication artisanale 100% écologique

Le tannage est 100% naturel. Marielle insiste sur son recours au tannage végétal à base du mimosa, et non du quebracho plus communément utilisé. Pourquoi donc ? On peut utiliser le quebracho pour un tannage végétal efficace, mais il n’est pas écologique, précise la diplômée en droit de l’environnement et en gestion des littoraux et des mers : le quebracho participe à la déforestation en Amérique Latine.  Question de cohérence.

Le projet ?  Créer une chaine de production soutenable et éthique “depuis le pêcheur au sac à main” en provocant la rencontre entre des professionnels qui ne travailleraient pas ensemble autrement.

Dans son processus de fabrication, non seulement Femer recycle les déchets issus de la consommation de poisson mais recycle aussi les siens :

-les chaires de poisson peuvent être re-utilisées comme appâts pour la pêche. Ainsi le poisson retourne à l’océan d’une certaine façon.

– les écailles de poisons peuvent être recyclées et re-inventées par les créateurs de mode, surtout les créateurs de bijoux.

-les chutes du tannage de poisson peuvent être utilisées comme compost par les entreprises locales en Aquitaine.

Saumon, truite, esturgeon, sole, cabillaud, lotte…  Les cuirs de poisson disponibles sont aussi variés que nombreux.  Utiliser les peaux de poissons que nous mangeons est sensé d’autant plus dans la logique de l’économie circulaire encouragée par la fondatrice née et élevée sur le littoral Aquitain où elle tisse son aventure entrepreneuriale sur le tas.

Au tout début, dans la famille, c’est Monique, sa mère, qui découvre le savoir-faire traditionnel du tannage des peaux de poisson, en 2003, lors d’un voyage en Laponie d’où elle ramena un manteau en cuir de saumon. Ce fut le premier contact de la jeune fille alors avec cette matière. Plus tard, la jeune diplômée confrontée au chômage décide de créer elle-même son poste et son entreprise il y a un an. Elle a toujours voulu créer sa société, mais, constate-t-elle sereinement, cela s’est concrétisé plus tôt que prévu.

A ce jour, seules 1000 peaux de poison sont produites. On peut acheter une peau de poisson pour environ vingt euros. Elles assemblement facilement. Femer collabore avec des marques de mode sur la R&D.  L’aventure entrepreneuriale familiale se poursuit avec de deux unités : une cabine de pêcheur à La Teste-de-Buch et, à Bordeaux, des bureaux logés chez l’incubateur Darmin spécialisé dans le soutien aux start-ups engagées dans l’économie circulaire, l’innovation par des initiatives collaboratives et liées à la thématique du développement durable. Le projet plait. Pas étonnant qu’il ait été récompensé de plusieurs prix : celui de la Start-Up entreprise & environnement dans la catégorie économie circulaire (concours national organisé par le ministère de l’Environnement et l’Ademe), prix Apec 2014, le Grand prix du challenge des entrepreneurs Deba qui lui a aussi décerné le prix du public.

Remédier aux préjugés sur le cuir de poisson

En fait, le plus grand défi de l’entreprise ne réside ni dans la fabrication pour assurer la qualité des peaux, ni dans la production de celles-ci très disponibles, mais dans son image… Le cuir de poisson pour des produits de mode ne fait pas (encore) rêver les consommateurs.  Faire rêver son audience est clé dans le business de la mode haute de gamme et du luxe que Femer cible. Et pourtant, l’idée d’habiller la décoration intérieure de yachts avec du cuir de poisson est belle.  Les peaux de poisson peuvent être utilisées pour la fabrication de chaussures,  de gants et autres pièces de maroquinerie.

Avec tous les préjugés qui lui collent à la peau, confie Marielle,  le cuir de poisson reste difficile à vendre. Non, le cuir de poisson ne sent pas mauvais !

Ce savoir-faire ancestral incontournable en Islande et présent dans certaines régions en Australie, Chine, Thaïlande ou au Brésil est toujours resté local. Nulle part dans le monde il y a eu une tentative de structurer cette industrie à grande échelle. Ce qui parait surprenant finalement. Comme le dit Marielle : “Je préfèrerais attraper un poisson plutôt qu’un serpent ou crocodile !” Femer ramène du bon sens dans la mode et le design, et ça fait du bien !

Depuis janvier 2016, une nouvelle palette de couleurs vives est disponible.

Du cuir de poisson couleur rouge… Et pourquoi pas ?

 

Site de Femer

« Les français ont de moins en moins d’appétit pour la viande », Le Monde, 26 octobre 2015.

 

 

 

 

@thedailycouture 

Depuis 2011, à la demande, the Daily Couture organise des immersions dans les Ateliers Haute Couture à Paris travaillant pour les plus grandes maisons de mode. Envoyez-nous votre demande : info@thedailycouture.com 

En savoir plus, c'est par ici : Visites Ateliers Haute Couture à Paris | Immersions Mode 

 Ils nous font confiance : ref clients

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *