FORMER L’HOMO FABER



Enfin, elle est voit le jour : une « université des savoir-faire », appelée La Fabrique, l’École des métiers de la mode et de la décoration, soutenue par les professionnels de la mode français. Un pas notable vers la valorisation des apprentissages des métiers de la création qui en ont bien besoin.

la fabrique école de mode et de la création

Une « université des savoir-faire » voit le jour avec La Fabrique, l’École des métiers de la mode et de la décoration, se réjouissait Pierre-Antoine Gailly, Président de la CCI Paris Ile-de-France lors de l’inauguration de l’établissement, ce mois-ci, en décembre. The Daily Couture y était et partage avec vous la volonté exprimée par les professionnels de la mode français pour soutenir, avec cette école d’un nouveau genre, l’apprentissage des métiers de la création.

Ce projet témoigne de la reconnaissance de l’importance d’un secteur économique devenu le pôle majeur de développement de Paris et de la région Ile de France avec ses 150 000 emplois. Enfin, il présage un enseignement bien éloigné de certaines pratiques pédagogiques hallucinantes perdurant dans ce secteur, à l’image de cette question insensée posée aux étudiants, lors du passage devant le jury de fin d’année, pour l’obtention du diplôme des métiers d’art Art du bijou & du joyau, dispensé par une école parisienne :  « En quoi le pli permet-il d’accéder à l’âme ? » a dû interroger un membre du jury qui, stupéfait par ce sujet, me confiait son incompréhension et sa révolte à relayer  sur the Daily Couture.

L’inauguration de La Fabrique s’annonçait comme la promesse d’une bonne nouvelle : un enseignement sensé et efficace des métiers de la fabrication de la mode. Et qui pourrait inspirer de futurs établissements !

Inauguration de La Fabrique, école de mode et de la décorationInauguration de La Fabrique, école de mode et de la décorationInauguration de La Fabrique, école de mode et de la décoration

Crédit-photo : F. Daburon/CCI Paris Ile-de-France

L’urgence de former des professionnels de la fabrication de la mode

Qui sait que les diplômés des métiers de la création de la mode sont prisés des professionnels de la mode? Trop peu de personnes, selon Isabelle Chicot,  Présidente du Comité stratégique de la filière des industries de la mode et du luxe et Présidente de Balenciaga.  Ni les collèges et lycées, ni les parents et les professeurs ne savent que le secteur de la mode est porteur d’avenir pour les jeunes, regrette-elle, lors de son intervention. Les élèves peuvent citer une quinzaine de marques, mais ne connaissent pas les métiers de la mode et se sentent exclus de cet univers, déplore-elle, suite à ses quelques déplacements annuels dans les collèges et lycées de la région parisienne.  Aux élèves néanmoins intéressés par ce secteur leur reste à constater, en vain, le refus catégorique de leurs parents à toute orientation professionnelle vers les métiers de la mode. Des vocations non exploitées et des emplois désespérément délaissés.  De sacrés obstacles pour la filière de la mode et du luxe créée en 2011 par le gouvernement, suite au constat d’une perte des savoir-faire des métiers de la mode et de la création en France, et à la volonté de structurer cette industrie aux contours flous et, par la même, remédier à la filière du textile qui souffre*. Du moins, essayer.

Inauguration de La Fabrique, école de mode et de la décoration
©LaFabrique
Inauguration de La Fabrique, école de mode et de la décoration
©LaFabrique

Réhabiliter l’ « Intelligence de la Main »

C’est au philosophe Luca Paltrinieri qu’il incombait la lourde tâche de redonner ses lettres de noblesses aux métiers traditionnels et manuels pendant la soirée d’inauguration de La Fabrique. Déplorant la séparation entre le travail intellectuel et manuel dans l’enseignement français et la valorisation culturelle des sociétés occidentales pour la pensée abstraite, le philosophe rappelait l’état d’esprit de la Grèce antique pendant l’époque archaïque.  Elle était soucieuse de créer un ordre entre les hommes et les animaux par l’activité créatrice de ses artisans.  L’objet artisanal était investi d’une signification forte qui disparut avec la révolution technique et l’essor de sa pléthore d’objets sans âme.  L’ère nouvelle serait celle de l’Homo Faber, selon le philosophe qui citait, en exemple, ces apprentis menuisiers au Japon envoyés dans les forêts pour y écouter le bruit du vent et comprendre l’environnement de ce bois qu’ils travailleront plus tard.  Alors me viennent les images de ce superbe documentaire, Japon La Forêt Eternelle de Shohei Shibata (2012) évoquant cette grand-mère japonaise dotée d’une remarquable connaissance de la forêt lui permettant de cultiver une forme traditionnelle d’agriculture sur brûlis selon les techniques ancestrales remontant à 4000 ans.  Bien loin de détruire la forêt, ces techniques la régénèrent.

Cet appel à nourrir le geste artisanal de cette sagesse de la connaissance dans le processus de la création d’excellence inspire l’esprit de l’enseignement proposé aux étudiants de La Fabrique.  Par son nom, La Fabrique convoque, selon Alain Lardet, Vice-président de l’INMA, « cette noblesse du savoir-faire qui transforme la matière en un produit fini dans un atelier d’artisan ou dans une manufacture ».  Par son pouvoir de transformer la matière, l’artisan d’art est un artiste dont la vocation est à encourager.  Ce retour de l’Homo Faber tel que nous le présentait Luca Paltrinieri et la transversalité de l’approche pédagogique dispensée par la Fabrique ne sont pas sans rappeler l’esprit du maker mouvement né aux Etats-Unis, la tendance du Do-It-Yourself et Do-It-Together portée par la passion et facilitée par les nouvelles technologies permettant à chacun de créer de plus en plus facilement des objets personnalisés.

L’Homo Faber :  une espèce en voie de renaissance qui apprendra, à La Fabrique, la conception de la mode et de la décoration selon les exigences qualitatives à ancrer dans la réalité économique du secteur.

Inauguration de La Fabrique, école de mode et de la décoration
©LaFabrique

Un cursus axé sur l’apprentissage de toute la chaine de production : de la création à la commercialisation de la mode

Cette approche de l’apprentissage des métiers de la mode répond à une demande des acteurs économiques de la mode et du luxe, soulignait Pierre-Antoine Gailly.  Et à la présidente de Balenciaga de prendre l’exemple d’une expertise : celle du pricing, cette capacité à savoir évaluer à vue d’œil comment les coupes du vêtement impacteront sur leurs prix.

Avec son cursus ancré dans la réalité des besoins de la filière de la mode et du luxe, La Fabrique, dont la directrice est Chantal Fouqué, est gérée par un comité de direction et d’un conseil d’établissement constitué de chefs d’entreprises, élus par leurs pairs de la CCI Paris Ile-de-France, et présidé par Nelly Rodi, personnalité incontournable du secteur de mode par ses multiples activités nées de son cabinet de style.

Les étudiants bénéficieront donc d’un réseau puissant de professionnels sous la forme de tables rondes, présentations et visites d’entreprises. Le programme Merchandising, par exemple, proposera aux étudiants de réaliser des stands ou vitrines pour des salons professionnels, sans oublier la mise en relation avec certains recruteurs comme Hermès ou Chanel et autres possibilités d’échanges à l’international.

Inauguration de La Fabrique, école de mode et de la décoration nelly rodi
© F. Daburon/CCI Paris Ile-de-France

Vers un apprentissage transversal des métiers créatifs

Le cursus de La Fabrique repose sur une synergie créée par le rapprochement de trois programmes déjà existants : l’École Supérieure des Industries du Vêtement qui forme aux métiers du management de la mode, les ateliers Grégoire spécialisés dans la décoration, l’aménagement intérieur et la sellerie-maroquinerie et Les programme Merchandising de Novancia et de l’IFA Adolphe Chauvin qui forment aux métiers de scénographie et mise en scène des produits sur les lieux de vente.

Cette transversalité des métiers de la création mise sur le croisement des compétences et les « passerelles entre les différents parcours d’apprentissage ». « On communique mieux sur un produit si on connait sa conception », relevait un élève. Cette quête vers « une excellence des savoir-faire techniques de la mode et de la création » a pour objectif de faire de La Fabrique ce lieu où apprentis de tout âge et de tout niveau se côtoient : du CAP au bac+5.  Un brassage des parcours et des compétences reconnaissant la singularité des profils des étudiants et leur complémentarité dans le processus créatif.

De quoi donner envie aux élèves de se tourner vers les métiers de la création, laissant présager une génération d’Homo Faber d’un genre nouveau.

Notes :

La Fabrique, l’École des métiers de la mode et de la décoration. Service d’inscription en ligne en attente. Ouverture Février 2014 !

« Is the ‘Maker Movement’ the next Industrial Revolution? », www.zdnet.com

Conférence « Luxe et Made in France : les savoir-faire de la couture aujourd’hui ? » animée par the Daily Couture, 2011, Ethical Fashion Show, Carrousel du Louvre.

« Made in France » plébiscité: vers le renouveau du patrimoine artisanal de la mode?, billet publié pour le Huffington Post.

 

 

 

 

@thedailycouture 

Depuis 2011, à la demande, the Daily Couture organise des immersions dans les Ateliers Haute Couture à Paris travaillant pour les plus grandes maisons de mode. Envoyez-nous votre demande : info@thedailycouture.com 

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