Le 28 août 2022
Aboutissement de 1001 volontés, la future Cité du Cuir de Saint-Junien fut un sujet phare ipso facto de l’édition des Portes du Cuir en juin dernier. En note finale de cette mise en avant de la maestria du cuir made in Aquitaine, il était tentant de clôturer le troisième et dernier volet du reportage au long cours par une sorte d’éloge : les 1001 vertus de la Cité du Cuir !
« La grande mode parisienne n’existe que parce qu’il existe des ateliers et le savoir-faire en région, et la ganterie de Saint-Junien en est un exemple parmi d’autres » n’en finit pas de rappeler le fervent limousin, né à Paris, Thierry Granet, frère d’un maître gantier saint-juniaud, et incollable sur le savoir-faire d’excellence, au-delà de sa mission en qualité de Vice-Président à la culture, Communauté de communes Porte Océane du Limousin. Irradiés de communications pompiérisantes inhérentes à l’iconomie (néologisme issu d’ « icône » et d’ « économie ») de notre monde saturé d’images, objet d’étude de Peter Szendy, on en oublierait presque la réalité, à savoir la matérialité invisibilisée du travail, et ici, celle qui nous intéresse : la réalité du travail du cuir made in France. D’où l’idée de ce reportage consacré au cuir en Aquitaine : le premier volet, Destination le Limousin : Saint-Junien, une cité gantière envoûtée par la noblesse du cuir (1/3), le deuxième, Destination l’Aquitaine : dans un monde du cuir en plein boom (2/3), et ce troisième et dernier consacré à la future Cité du Cuir qui sera inaugurée au deuxième semestre de 2024. Un avant-goût ravira les Saint-Juniauds et les visiteurs lors d’une pré-inauguration pendant les Ostensions Septennales de Saint-Junien le 25 juin 2023, manifestation limousine classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Eloge de huit vertus de la Cité du Cuir…!
1. La Persévérance La Cité du Cuir de Saint-Junien vous inspirera à vous battre pour la transmission d’un savoir-faire !
Ne jamais baisser les bras ! En témoigne l’aboutissement de ce projet pour qui s’intéressera à sa mise en œuvre. C’est dans les années 90 qu’émerge l’idée d’une structure de valorisation de la filière du cuir à Saint-Junien. Or les premières pistes et projets n’ont pas abouti. Le tournant ? La volonté des élus de Saint-Junien et de leur maire, Pierre Allard. En 2003-2004, un comité de pilotage voyait le jour, tandis que « les associations poussaient », se remémore Blandine Lamy, assistante chef de projet « Cité du Cuir » et responsable du service Pôle Cuir à la Communauté de communes Porte océane du Limousin. A l’unisson, tous encensent le rôle clé joué par les associations de défense du patrimoine de la ville : Image Multiple de Notre Patrimoine Animations Culturelles et Touristiques (I.M.P.A.C.T) et la Société des Vieilles Pierres. Cette dernière présidée par Frank Bernard dont le précieux savoir du patrimoine de la ganterie Saint-Juniaude a, par ailleurs, largement nourri le premier volet du reportage. La responsable du service Pôle Cuir, devenue La référence pour le projet de la Cité du Cuir, fut elle-même ancienne stagiaire au sein d’une association défendant le patrimoine de la ville, partie prenante de la mise en oeuvre du projet, avant d’être embauchée par la mairie pour « continuer le travail », au fil des péripéties sur les vingt années qui suivront.
De labellisation en labellisation (Ville et Métiers d’Art, Entreprise du Patrimoine Vivant -pour les entreprises-, Pôle d’Excellence Rural), de dispositif en dispositif, de financements régionaux en financements européens exigeant au projet local de devenir régional, exigeant des élus saint-Juniauds d’endosser une responsabilité territoriale élargie, au maire de devenir aussi président de la Communauté de communes Porte Océane du Limousin pour une gouvernance régionale, de divers freins jusqu’à l’imprévu bienvenu : en 2019, au moment où le scénographe avait fini le diagnostic architectural et s’apprêtait à se consacrer au projet d’aménagement de la future Cité du Cuir, Hermès informa les collectivités de son souhait d’agrandir son site au vu de ses besoins de recrutement. Soit l’agrandissement de la ganterie maroquinerie de Saint-Junien, bâtiment industriel du cuir réhabilité, voisin de la future Cité du Cuir, sur les bords de la Vienne. Pour Hermès comme pour la municipalité, investir une friche industrielle du cuir était clé. Il se trouve que toute une zone du site retenu par la municipalité n’était pas encore utilisée car on ne savait pas encore quelles fonctions lui attribuer dans le cadre du projet. D’où l’idée des élus d’« échanger » le bâtiment avec Hermès, et « sur un coup de poker », se remémore Thierry Granet, également chargé de la politique événementielle, de l’identité patrimoniale et du devoir de mémoire de la Ville de Saint-Junien : « Nous leur avons proposé : “Nous vous “échangeons” votre bâtiment contre le nôtre”. Et ils disent ok. Ça a donc chamboulé tout le projet. Nous sommes repartis à zéro après quatre ans d’un travail entamé ». Nouveau lancement du recrutement de l’architecte attribué, cette fois-ci, au cabinet Beaudouin & Engel, scénographie revisitée… Tout une aventure !
2. La Connaissance Elle vous fera entrer dans le monde du cuir par ses savoir-faire
« Il fallait que la Cité soit vivante, à l’image du cuir souvent encensé comme une matière noble et vivante », clarifie d’emblée Paul Allard, bien décidé à inscrire « l’innovation » dans le cuir en Aquitaine au cœur du projet. Remontant au 11ème siècle le long de la Vienne à Saint-Junien, le riche patrimoine du cuir local sera abordé pour mieux aller de l’avant, au-delà du savoir-faire de la ganterie local et du vêtement en cuir. Le tout tourné vers le savoir-faire du cuir du territoire, au-delà de Saint-Junien. « C’est tout un territoire beaucoup plus vaste qui a travaillé le cuir à Saint-Junien, donc la Cité du Cuir mettra en valeur cette excellence qui continue d’exister. Il suffit de voir les exposants aux Portes du Cuir. » Ce lieu d’échange, de transmission de savoir-faire et de conservation des savoir-faire (documents, croquis) reposera sur un parcours immersif selon la donnée clé que 70% de ce qui est expérimenté est retenu. Le pari de l’architecte Hervé Beaudouin ? Que le visiteur expérimente les métiers du cuir par les sens : atmosphères, décors, matières, odeurs, températures, et surtout la découverte de la grande technicité des gestes des métiers constituant un patrimoine vivant à transmettre. D’où la présence souhaitée d’artisans et d’artistes au sein de la scénographie pour un ensemble cohérent. L’absence de vitrines renforcera cette immersion du visiteur, excepté pour un espace dédié à des objets de collection. Cependant, beaucoup d’objets appartenant au patrimoine comme des outils seront utilisés par des artisans et des créateurs devant le public. De même, les futurs ateliers mis à la disposition des artisans et créateurs sein de la Cité seront visibles par le public pour que, le tout « dialogue joyeusement ». Loin d’une disneylandisation, l’expérience du cuir invitera les visiteurs au plus proche du réel et des vraies gens du cuir ! De quoi mieux connaître les métiers du cuir par curiosité ou intérêt professionnel, au vu des nombreux recrutements et reconversions à l’ordre du jour dans la filière du cuir.
3. La Créativité Elle vous fera découvrir le cuir par la création contemporaine
Dans quelle mesure les visiteurs seront mis dans la confidence des grands clients de la ganterie contemporaine made in Saint-Juniaud reste encore à voir. Pourront-ils découvrir quelques modèles créés par Agnelle pour Dior, Burberry, Madonna, Beyoncé, Madame Trump ou encore le Pape ? Car la ganterie Saint-Juniaude n’est pas « une histoire qui est figée dans le passé », remet en perspective le limousin Thierry Granet, veillant à faire passer le message du savoir-faire vivant du cuir aujourd’hui. Des fleurons de la haute couture à ceux de l’industrie de la défense française, avec la spécialisation de la fabrication du gant technique pour les pilotes du Rafale par la ganterie Morand. « C’est ça l’excellence à la limousine et l’excellence à la Saint Juniaude, c’est-à dire qu’on passe de Beyoncé aux pilotes de rafales, en passant par la Reine d’Angleterre. Ce sont des grands écarts. C’est ça la réalité de la ganterie. Et ce qui nous intéresse, parce que l’histoire continue ». D’où, au sein de la Cité du Cuir, des ateliers mis à disposition de jeunes créateurs et artisans du cuir qui souhaitent innover. Ils pourront prendre le temps de réfléchir à de nouveaux projets voire, au travers des installations, échanger avec leurs partenaires, leurs prestataires et leur confrères, un peu comme ce qui est à l’œuvre avec les portes du cuir où l’on réseaute, mais dans un lieu permanent, se réjouit Paul Allard. Enthousiastes, les créateurs travaillant le cuir dans la région, savourent leur « chance ». Grâce à la Cité du Cuir, les artisans et créateurs auront accès à des machines qu’ils ne peuvent pas accueillir dans leurs petits ateliers respectifs. Ils pourront mutualiser les achats, se consacrer à la recherche, mener des collaborations fertiles, transmettre par des formations, et bien entendu, « concrétiser les créations les plus folles ». « Un tel lieu fait rêver ! »
4. La Tempérance La Cité du Cuir de Saint-Junien engagera le dialogue sur les questions du cuir (y compris celles qui fâchent !)
Les questions difficiles ne seront pas évitées. Notamment celles du véganisme et de la bientraitance animale. Introduire de la nuance et de la complexité aura la vertu de problématiser cette question morale, de sortir de la bonne parole simpliste du Bien contre le Mal. Depuis la rencontre avec des professionnels du cuir végétariens, me voilà, de mon côté, à imaginer la perspective d’un débat d’un troisième type… fertile, lui ! « A nous d’avoir les arguments pour sensibiliser et faire comprendre qu’on ne tue pas les animaux pour leurs peaux », analyse, Blandine Lamy, à propos de ce potentiel frein de l’intérêt des jeunes pour la Cité du Cuir, identifié par la Ville de Saint-Junien, selon une étude sur la perception du projet. « Epais à l’origine, le cuir est devenu plus fin. Or, pour tromper le public, d’autres matières ont été rajoutées pour finir de proposer aux clients du faux cuir. Il faut éduquer le public à la façon dont est fabriqué le cuir. Par exemple, en les sensibilisant au décryptage des étiquettes des chaussures, d’un produit fait main, made in France, et au prix d’un produit en cuir. A nous de sensibiliser le consommateurs car, aujourd’hui, l’heure est aux actes d’achats éthiques, responsables. » Il s’agit de mettre sur la table les principes du débat et le principe des connaissances, évitant le « jusqu’au boutisme », ce fléau déploré par Thierry Granet, reconnaissant volontiers l’évidence du bien fondé des prises de conscience de la nécessité de la bientraitance animale à mettre en œuvre avec la filière d’élevage. Un changement nécessaire et difficile à enclencher. « C’est une remise en cause de la façon de travailler des éleveurs et de leur métier multiséculaire, donc le changement ne se fera comme ça. Il faut qu’on y travaille. » Aujourd’hui, il existe des abattages à la ferme qui éliminent le stress de l’animal, parce qu’on sait très bien que l’animal qui monte dans le camion pour aller à l’abattoir stressent pendant les quelques kilomètres du trajet. Le stress est néfaste, y compris pour la peau qui gardera les stigmates du vécu de l’animal. Parmi les initiatives, celle de l’abattoir mobile dans les fermes pour les bovins, le Bœuf Ethique. « C’est un début. Il est clair que l’élevage ne constitue pas un seul métier, ce sont plusieurs métiers, car on n’élève pas des ovins et des caprins comme on élève des bovins. La question est complexe, et l’une premières questions que le cluster cuir de la région, ResoCuir, a pris à bras-le-corps. De même que le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset. »
5. L’Optimisme La Cité du Cuir de Saint-Junien sera inaugurée en plein boom du cuir
Grâce au recrutement de maroquiniers Hermès sur ses terres, la Cité du Cuir apparaîtra auréolée d’un réjouissant cuir en plein boom, irriguant toute la région. Cet « épiphénomène au sein des territoire » reflète la demande des produits en cuir d’un luxe made in France, impactant tous les acteurs locaux, atteste Laëtitia Doucet, en charge de l’animation du cluster cuir de la région Aquitaine, ResoCuir. Des tanneries aux vendeurs de machine et outillages sous pression, comme l’entreprise Simac Services, à Limoges, spécialisée dans la vente, l’installation, la réparation et les révisions de machines à coudre, à broder, à surjeter. « La pression qu’ont les entreprises, révèle un fort développement de la filière », observe Laëtitia Doulcet. « Autour de la table, nous n’avons plus seulement les besoins des entreprises à prendre compte. Désormais se pose la question de comment les territoires font face à cette captation des publics et à leur intégration dans les territoires. » Au-delà de l’impact concret en termes du besoin de construction de logements et du développement des locations sur une partie des communes du Limousin (à Chaillac-sur-Vienne, Rochechouart, Oradour-sur-Glane et Saint Junien), l’édile de la Ville de Saint-Junien observe aussi l’impact du développement de Hermès sur le moral de la population locale. Les Saint-Juniauds sont ravis de la création d’emplois et de cette nouvelle image de leur ville. « Avoir des grandes maisons qui se réinstallent, se développent sur des villes comme Saint-Junien, c’est aussi pour toute une population qui a travaillé le cuir, et notamment dans la ganterie, une évolution extrêmement importante. Une personne m’a confié : “Je ne pensais pas qu’on installerait de nouveau une entreprise liée au travail du cuir aujourd’hui ”, pensant l’industrie moribonde. Ce sont des retours positifs qui montrent l’enthousiasme et un intérêt de la population pour la future Cité du Cuir, en plus la très attendue réhabilitation des friches industrielles. Car tout un quartier est rénové. » Optimiste, l’édile conclut sur l’ « impact de la communication sur le territoire » où se déploie désormais « une image de développement économique extrêmement important, et l’image est l’un des vecteurs essentiels en termes de poursuite de ce développement économique ».
6. L’Abondance Elle offrira aux touristes une bonne raison de rester à Saint-Junien
C’est dans le contexte propice du développement économique de la filière cuir qu’émergera la Cité du Cuir comme un nouveau lieu touristique, d’autant plus que la municipalité bénéficie de ce momentum pour rénover ses nombreuses friches industrielles. Pilier de ce développement économique, la nouvelle offre de tourisme industriel que constituera la visite de la Cité du Cuir autour du patrimoine du cuir, de ses savoir-faire, des futurs ateliers créatifs et diverses réalisations locales pourrait changer la donne pour la ville. Jusqu’à présent, lieu de passage pour les touristes, Saint-Junien restait dans l’ombre notamment du Village martyr d’Oradour-sur-Glane, devenu un lieu de mémoire sacralisé (rendant hommage aux massacres des habitants et de l’incendie du village, le 10 juin 1944, par une unité de la division SS Das Reich). Aujourd’hui, la Cité du Cuir pourrait entraîner dans son sillage le développement économique des commerçants, artisans, mais aussi la mise en lumière du sentier le long de la Vienne. « Nous allons travailler avec les commerçants et tous ceux qui ont des savoir-faire locaux, pas uniquement le cuir. L’idée est de mettre en valeur les savoir-faire locaux », aspire Paul Allard, anticipant les heureuses perspectives pour sa ville : « Nous étions une ville qui a connu un temps où œuvraient plus de 3000 salariés dans les cuirs et peaux. Aujourd’hui, nous vivons un renouveau du cuir, et une renaissance avec la Cité du Cuir grâce à des partenariats avec les associations patrimoniales. C’est un tournant. »
7. L’Amitié La Cité du Cuir de Saint-Junien ravira nos amis anglais passionnés du patrimoine industriel
Installée à Saint-Junien depuis vingt ans, Lynne Smith se réjouit de l’arrivée imminente de la Cité du Cuir, d’autant qu’elle est particulièrement sensible à la beauté du patrimoine industriel chère aux britanniques, pionniers pour sa mise en valeur dès les années 60. Dans la lignée de leurs concitoyens, Lynne et son époux, Dean Smith, ont restauré, eux aussi, d’anciens bâtiments industriels en Angleterre. C’est donc l’œil aiguisé que le couple découvre les friches industrielles du cuir au bord de la Vienne en 2003. Notamment une ancienne mégisserie qu’ils achèteront. « Tout était en ruine, mais nous savions que c’était un site où nous pourrions construire un très joli lieu ! » De l’extérieur, du Quai des Mégisserie bordé de friches industrielles seules dotées de la vue sur les bords de Vienne, rien de laisse présager la transformation de cette ancienne mégisserie en le Moon River Snack & Bar : un vaste lieu à l’esprit champêtre avec son restaurant proposant ses fish et chips et ses délicieux burgers, à déguster en terrasse. Un îlot d’une douce naturalité assurée au bord de la Vienne, détonnant du bâti extérieur des friches en cours de réhabilitation. A la dégustation s’ajoute la transformation d’anciens ateliers en chambres d’hôtes. Pour Frank Bernard, président de la Société des Vieilles Pierres, cette réappropriation d’un bâtiment du patrimoine industriel du cuir à Saint-Junien est exemplaire. Cerise sur le gâteau : le don par le couple Smith à la Ville de Saint-Junien de nombreux outils et grosses machines. Peut-être qu’un partie de ce don vivra un seconde vie à la Cité du Cuir. Pour autant, malgré les recherches, Lynne Smith n’a pas retrouvé d’anciennes photos de l’ancienne mégisserie. Elle aimerait bien connaître son histoire, un jour. En attendant, elle se réjouit de l’arrivée imminente de la Cité du Cuir. « C’est super, nous sommes très contents, car nous trouvions dommage que la vue de la rivière d’ici, à Saint-Junien, soit impossible. »
8. La Transcendance La Cité du Cuir de Saint-Junien donnera du baume au cœur aux Saint-Juniauds baignant dans le monde du cuir depuis toujours
« Les Saint- Juniauds sont très fiers de ce passé gantier, mégissier. Il faudrait, qu’à l’avenir, ils soient très fiers de la Cité du Cuir, de ses futures collaborations et des projets qu’ils pourraient s’approprier. Que les habitant puissent y avoir accès », souhaite Aurélie Réjasse, directrice des politiques publiques intercommunales de Porte Océane du Limousin (POL). Le voeu devrait se réaliser compte tenu de la d’ores et déjà forte mobilisation des habitants lors des expositions sur le cuir, observe Blandine Lamy : « Tous les Saint- Juniauds se déplacent. Ils sont en attente de ce projet. Nous avions de nombreuses personnes ressources, des gantiers ayant travaillé jusqu’en dans les années 80, et que nous avions réunies dans un groupe pour exposer au fil d’expositions en France, comme au Salon du Patrimoine Culturel au Louvre, ou ailleurs. Ces gantiers retraités et ces gantières auraient aimé assister, de leur vivant, à l’émergence de la structure de valorisation de cuir. Petit à petit, ces personnes disparaissent. C’est une certaine frustration, même si nous avons pris soin d’enregistrer leur vécu dans le monde du cuir à Saint-Junien. Elles auraient eu une vraie fierté à voir se concrétiser le projet. Par ailleurs, les Saint-Juniauds sont très curieux de voir ce qui se construit en bord de Vienne. Ils ont aimé récupérer une partie de l’accès la Vienne, puisque jusqu’en dans les années 2000, les friches industrielles barraient l’accès au fleuve. Le dimanche, le long de la Vienne est devenu un lieu de balade. »
Nombreuses sont les anecdotes témoignant de l’attachement des Saint-Juniauds au savoir-faire de la ganterie dont la force réside dans le lien familial qu’il a créé dans les maisonnées. Car le travail de la ganterie se déroulait à domicile. « Nous récupérons des machines à coudre, témoigne Blandine Lamy. Souvent les familles nous appellent en nous disant : « Mon grand-père était gantier, et dans la maison, nous avons encore la table de gantier, les petits outils ». Souvent la famille nous donne ce qu’elle possède. Certaines personnes pleurent en nous confiant ce matériel parce que, pour elles, ces biens touchent aux relations qu’elles avaient avec leurs parents, leurs grand parents. Elles souhaitent voir ces biens à la valeur affective valorisés et préservés dans cette Cité du Cuir. Des biens chers et précieux à leurs yeux, parfois des ateliers en entier ». Aux Portes du Cuir, Aurélie Réjasse témoigne de particuliers venus faire des dons de gants retrouvés dans un grenier, dans un placard. « Ces gants disent quelque chose de l’histoire d’une vie. La ganterie, c’est une histoire de proximité, pas uniquement une histoire de région. Une histoire exportée à l’international, et qui s’exporte encore à l’international. »
8. La Collaboration La future Cité du Cuir de Saint-Junien incitera le monde hôtelier à faire d’autant plus vibrer sa clientèle au goût du cuir… En suivant l’exemple de The Originals Saint-Junien le Bœuf Rouge !
Enfin, pour terminer ce reportage, des remerciements à l’Office de Tourisme Porte Océane du Limousin et à The Originals Saint-Junien le Bœuf Rouge, partenaires de ce reportage en trois volets. Le charme de cet hôtel ? Incarner haut et fort l’héritage du cuir de sa ville. Sa décoration en hommage à la ganterie s’avère en phase avec le nouveau chapitre qui s’ouvre pour Saint-Junien tant le renouveau du cuir dans la ville, dans la région, est à l’ordre du jour ! Après la Cité du Cuir, le savoir-faire singulier et d’excellence de la ganterie française sera-t-il classé au patrimoine culturel immatériel de l’humanité ? La candidature est envoyée. Verdict de l’UNESCO en novembre 2024 !
Notes :
Retour sur l’édition 2022 des Portes du Cuir sur le site de ResoCuir