EXPERTISE EN TEINTURES VÉGÉTALES : RENCONTRE AVEC BETTY DE PARIS



Face aux interdictions de REACH (Agence Européenne des produits chimiques) éliminant progressivement du marché des substances chimiques toxiques, les artisans voient des couleurs disparaître. Plein feux sur les colororants végétaux.

Tous les artisans sont confrontés aux interdictions de REACH (Agence Européenne des produits chimiques) éliminant progressivement du marché depuis 2007 – seulement – des substances chimiques toxiques. « Des colorants disparaissent », m’expliquait Arnaud, l’un des rares teinturiers parisiens de la haute couture et partenaire de The Daily Couture. Tous sont confrontés aux interdictions de REACH (Agence Européenne des produits chimiques) éliminant progressivement du marché depuis 2007 – seulement – des substances chimiques toxiques. Le processus d’application de REACH, nécessaire à la protection de la santé, s’avère empoisonner autrement le quotidien de ces artisans de l’unique. Acteurs du sur mesure, indépendants, souvent seuls, ils éprouvent des difficultés pour faire face à une remise en question de la traçabilité de leurs produits et en étudier les alternatives. 

Où sont les alternatives à la disparition de colorants chimiques toxiques ?

Alors qu’elle était encore peintre sur soie, Betty finit par ne plus supporter physiquement la pollution des colorants chimiques. Son engagement écolo procédait donc d’une nécessité vitale. Cataloguée baba cool avec ses histoires de teintures végétales dans les années 80, l’artiste et militante tombée dans le bain, il y a 30 ans, est désormais courtisée par les professionnels du textile. Un beau retournement de veste.

Une histoire de fibres et de teintures

A l’occasion de son exposition éphémère intitulée, « A l’ouest blanchit la lune », je décidai de lui rendre visite dans ce loft parisien dédié, une fois par an, à l’exposition de créations textiles très pointues.

Ses tableaux aux couleurs végétales invitent à l’immersion dans l’histoire de l’industrie du textile. Nous voyageons de l’Extrême Orient en Inde avec des supports textiles venus du monde végétal comme le coton indien, le chanvre ou cette plante de la famille des orties, la ramie. Pour les teintures végétales, l’artiste utilise l’indigo surtout. Sa série Plier rend aussi hommage aux plantes végétales et médicinales. La gaude, vieille de 6000 ans est encore cultivée pour la création du jaune. La garance, elle, offre une gamme rougeâtre très riche, déjà utilisée en Perse, dès 2000 av. J.-C. Les teintures végétales étaient utilisées en Europe par les manufactures royales et les compagnies textiles avant d’être remplacées par les colorants chimiques au 19ème siècle, pour développer les industries textiles à grande échelle, pendant la révolution industrielle. Grâce à la chimie, insiste Betty, de nouvelles couleurs furent créées aussi. C’était super. Quelque fois, c’était fatal, comme la création de cet arsenic vert à Londres. Beaucoup d’enfants endormis dans leur belle chambre verte ne se sont jamais réveillés. Aujourd’hui, il est toujours possible de trouver des colorants végétaux !

Si les œuvres de Betty dégagent une sérénité certaine, l’artiste nous incite bien vite à revoir nos perceptions des savoir faire en rappelant quelques dates clés. Sa fibre pédagogique n’est jamais très loin non plus ! Elle m’a ainsi raconté l’histoire du capitaine français Antoine de Beaulieu envoyé aux Indes, en 1734, par la Compagnie des Indes Orientales. Son objectif ? Epier le savoir faire des artisans indiens à chaque étape du processus de teinture de la création textile en coton. L’ ‘Indienne’ était alors le must have du design textile à porter par la bourgeoisie et l’aristocratie françaises du moment. Quelques échantillons rapportés de son périple peuvent même être observés au Museum national d’Histoire naturelle in Paris. Aujourd’hui, nous connaissons le succès de la fibre de coton en Europe, devenue si commune et pourtant venu d’ailleurs.

N’oublions donc pas que les Européens ont été, au cours de l’histoire, parfois ceux qui ont importé ou « volé » à un autre pays, pour citer Betty, un savoir faire du textile. Aujourd’hui, nous savons que les savoir faire de la couture sont terriblement menacés en France avec de petits ateliers qui ferment régulièrement, même si de belles histoires résistent, et qu’il s’agit de les faire connaître.

Apprentissage de la teinture végétale japonais

L’initiation de Betty à la peinture pour les kimonos selon les techniques traditionnelles japonaises, à Kyoto, bouleversèrent son approche du travail de la couleur, dès les années 80. Abasourdie par des couleurs jamais observées auparavant, elle l’est aussi à la vue de teintures végétales utilisées par des marques de mode japonaises, se rappelle-t-elle, encore subjuguée. Elle s’empresse, par la suite, d’explorer l’archipel avec l’idée de tout apprendre des pratiques tinctoriales indigènes utilisant des techniques de pliages complexes, des mordants anciens et des essences venus du monde entier. Apprendre le japonais fut essentiel pour s’imprégner de ce savoir-faire inscrit culturellement dans le territoire.

Plus tard, cette industrie traditionnelle perdrait quelques-uns, sinon beaucoup, de ses petits ateliers de teinture avec l’ouverture du Japon à l’Occident et le début du marché de masse de la mode dans le monde.

Après « Indigo », l’exposition de Betty toujours en cours dans la boutique parisienne de Bensimon, HOME Autour du Monde, l’exposition Tinctoria au Musée du Textile à La Bastide Rouaitoux (81) sera inaugurée à partir du 20 mars. Par ailleurs, Betty tiendra une conférence « Couleurs botaniques » à l’Université du Mirail à Toulouse, l’UFR Histoire de l’Art, Arts Plastiques & Appliquées, le jeudi 17 mars à 10 H 30. Entrée libre.

Vers un usage de la teinture végétale ?

Certaines marques de mode mondiales comme Benetton ou Gap utilisent parfois de l’indigo pour teindre les jeans. Néanmoins, la croissance de l’industrie des teintures végétales doit faire face à nos habitudes de consommation. Parmi les points abordés lors de la conférence que vous pouvez écouter en streaming *, deux ont retenu mon attention :

Nous sommes habitués à penser que les vêtements naturellement teints sont très fragiles. Bien sûr, l’utilisation de détergents remplis de produits chimiques assez puissants n’a pas de sens pour l’entretien de ces teintures. Opter pour des produits destinés à l’entretien de vêtements délicats s’avère efficace, rectifiaient les professionnels. L’ampleur du défi ? Une remise en question complète de toute la chaîne du textile pour permettre la croissance de ce marché des teintures végétales.

Nous sommes aussi habitués à regarder des couleurs 100% uniformes, insistaient les professionnels. Qu’on se rassure, on a pu observer des vêtements aux teintures végétales sans distinguer de différences de coloris.

Jusqu’où sommes-nous prêts à défier nos habitudes visuelles et remettre en question cette uniformité des coloris ? Tant que la toxicité n’est pas visible, qu’il n’est pas motivant de la chasser pour de bon !

NOTES :
Ethical Fashion Show
Podcast – conférence sur les teintures végétales, Paris Ethical Fashion Show
Betty de Paris
 
 
 
 
 
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Depuis 2011, à la demande, the Daily Couture organise des immersions dans les Ateliers Haute Couture à Paris travaillant pour les plus grandes maisons de mode. Envoyez-nous votre demande : info@thedailycouture.com 

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