Mode d’Auteur



« On peut être le créateur d’une seule robe, et c’est déjà beaucoup », confie Olivier Saillard, le commissaire d’exposition de « Histoire idéale de la mode contemporaine », le volet 2 consacré aux années 1990-2000, aux Arts Décoratifs à Paris, jusqu’au 8 mai.

Ici, il est question de robes comme de livres, de films ou de la musique – de 150 pièces maitresses retenues dans cette quête ambitieuse d’une histoire idéale de la mode de « créateurs – auteurs », des directeurs artistiques dotés d’une vision de la mode, explique Olivier Saillard, et non des seuls interprètes de tendances aussi talentueux soient-ils.

Apprécier finalement l’essence de la créativité de la mode : un style. Un vrai qu’on reconnaît. Une incarnation personnelle. La mode n’est pas toujours ce qui se démode !

Elle devient intemporelle grâce à des pièces exceptionnelles comme, ci-dessus, ce boléro dit perroquet né de la collaboration entre le regard créatif et singulier de Jean-Paul Gaultier et le savoir-faire de Nelly Saunier, l’artisane Maître d’Art, plumassière. Un tour de force.

Pour une expérience étonnante des structures et des volumes, les robes de Comme des Garçons entre les mains de Rei Kawakubo nous enveloppent de formes cocoon-esques, comme ce triptyque de robes, ou plutôt de volutes blanches au toucher qu’on imagine si doux sur la peau. On s’habillerait de nuages… ou de « bulles de chewing-gum ».

Et cette mise en scène des créations de Vivienne Westwood : magnifiques de complexité des coupes, des superpositions et d’humour, elle y réinterprète aussi les faux-culs dont j’avais parlé lors d’un précédent sujet sur les dessous. Elle a su imposer son esprit punk et son attitude Do It Yourself!

Azzedine Alaïa, un grand styliste et un grand couturier. Il est l’un des rares à savoir monter une robe dans les règles de l’art…

Avec les E2, le duo formé de Michèle et Olivier Chatenet , la création repose sur des robes vintage chinées et que les créateurs remettent au goût du jour. Une démarche créative fondée sur l’idée du recyclage avant que le sujet ne devienne brûlant !

Christian Lacroix auprès duquel aussi bon nombre d’artisans en bijouterie fantaisie, broderie et autres savoir-faire détournés ont commencé à créer pour la haute couture.

Martin Margiela, le créateur conceptuel. Un créateur, par ailleurs, fuyant la célébrité pour lui-même, et misant sur la sobriété de l’ image de sa maison dans l’univers pailleté de la mode. Sa collection baptisée « artisanale » rendait alors hommage aux matières en injectant de l’humour dans le design.

De ma discussion avec Olivier Saillard, je note son regret que les professionnels de la mode ne regardent pas assez ce que font les marques de sport ni ce qui se passe dans la rue, il y voit la grande créativité à l’œuvre. Il cite Helmut Lang intéressé par ces univers et qu’on retrouve dans l’exposition. Et de citer les défilés trop nombreux…

Et le savoir-faire et l’artisanat ? Il n’est pas l’apanage des maisons de couture selon lui. « Regardez les pièces de Vivienne Westwood, lance-t-il, elles sont très bien faites, parfois mieux faites que certaines pièces de haute couture. Cela dit, à quoi bon broder à la main des heures durant quand les machines peuvent le faire ? », demande-t-il. L’usage de la technologie et des machines n’est pas à renier. Sauf que le champ créatif de la broderie industrielle ne permet pas la pose de perles ou des paillettes, très utilisées en haute couture…

Yves Saint Laurent disait créer des vêtements à voir de près et à toucher, dommage qu’entre les pièces et nous, se dressent ces barrages en verre… Nous aurons toujours nos yeux pour contempler et surtout du temps pour apprécier ces pièces qui, un jour, ont défilé à toute allure, et c’est déjà ça !


A plus tard,

par Stéphanie Bui,

stephanie@thedailycouture.com

NOTES :

Le site de l’exposition aux Arts Décoratifs

Un billet sur le travail de Nelly Saunier, par The Polyglot

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